Emmanuel Macron le savait : avant les élections législatives, impossible de mettre en œuvre quelconques mesures susceptibles de faire entendre à son électorat l’absence de ligne politique qui caractérise le mouvement En Marche ! A défaut de proposer les lois qu’il compte mettre en œuvre sitôt la majorité obtenue à l’Assemblée Nationale, le gouvernement Macron impose des réformettes consensuelles, suscitant une adhésion de fait, tant l’écœurement des Français grandit à l’égard d’une classe politique enfermée dans une rhétorique partisane. A l’instar de cette « loi de moralisation de la vie publique », dont la mise en œuvre révèle chaque jour un peu plus l’inanité.
François Hollande avait déjà fait de la morale le porte-étendard de sa politique ; Macron, en digne héritier du quinquennat de son ancien employeur, compte-t-il faire de même ? Le parti du président risque cependant de connaître quelques obstacles sur sa route… Si les ministres du gouvernement Valls (Thévenoud, Cahuzac,…) s’étaient déjà illustrés par leur habilité à user de la corruption pour satisfaire leurs intérêts personnels, ceux du gouvernement Philippe ne risquent guère de briller de meilleure façon. Car certains garants de cette loi de moralisation disposent d’un passé peu reluisant, dont les journalistes de l’oligarchie peinent à faire connaître la teneur.
Ainsi de François Bayrou, ministre de la Justice garant de l’établissement de cette loi, lui-même compromis dans une affaire délicate : si l’on en croit l’un de ses anciens collaborateurs, le président du MoDem aurait mis en œuvre des emplois fictifs au sein du parlement européen pour servir les intérêts de son parti. Alors que la loi de moralisation résonne comme un écho à « l’affaire Fillon », on ne peut s’empêcher de juger du caractère ironique de la situation.
La liste, bien sûr, ne s’arrête pas là. Le ministre de la cohésion des territoires Richard Ferrand, serait coupable d’avoir usé de l’argent public de sa collectivité pour son enrichissement personnel et celui de son entourage. Le gouvernement, bien sûr, n’a pas condamné la conduite de son ministre, dont on susurre par ailleurs qu’il aurait profité de son siège de député pour voter toutes les lois en faveur de ses intérêts financiers. De même, Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, aurait perçu près de 200 000 euros de fonds publics détournés entre 1994 et 2000, alors qu’il était député du Rhône. Du côté du ministère de la Santé, Agnès Buzyn ne s’émeut guère des conflits d’intérêts qui rythment le monde de la santé, confronté au poids du lobby des laboratoires pharmaceutiques ; mieux encore : elle prône les petits arrangements avec ces officines privilégiant leurs rendements à la santé des Français. Et pour cause : alors qu’elle était vice-présidente de l’Institut national du Cancer, Agnès Buzyn siégeait aux conseils de deux laboratoires (Novartis et Bristol-Meyers Squibb).
Faire de « la moralisation de [la] vie publique […] un socle de [son] action » constituait la première préoccupation d’Emmanuel Macron au lendemain de son élection. Une annonce facile, destinée à occuper l’opinion médiatique et ne pas prendre de risques inutiles à la veille des législatives et face à laquelle En Marche ! est en difficulté, au regard de la corruption de ses propres ministres. Une annonce soulignant un peu plus le cynisme d’un gouvernement qui renouvelle les combines financières de ses prédécesseurs socialistes. Qui répète ces « copinages » indus d’une gauche dont on retrouvera de nombreuses figures dans l’hémicycle…