485 morts ! Ce n’est pas le bilan d’un énième naufrage à Lampedusa. C’est le nombre de paysans français qui se sont suicidés entre 2007 et 2009. Compte accablant rendu récemment public par l’institut de Veille Sanitaire.
485 morts dans l’indifférence médiatique la plus totale. Chaque noyé de Lampedusa aura eu droit à davantage d’hommage que l’ensemble de ces morts. Pourtant, ceux de Lampedusa ne sont que les victimes d’un accident. Les paysans français meurent, eux, de désespoir et, d’une certaine manière, tués par une politique agricole industrielle impitoyable pour les territoires, les bêtes et les hommes, étranglés par un acharnement réglementaire et administratif aussi sot qu’implacable.
Face à ces morts dont on ne connaît ni les noms, ni les vies, dont nul reportage ne retracera jamais l’accablement des dernières heures, la réaction du ministère de l’agriculture est dérisoire. Dans un communiqué, le ministre rappelle qu’un plan « anti-suicides » est en place depuis 2011 et que des « cellules » dites « psychologiques » existent. Il annonce qu’un numéro spécial de type Détresse-Amitié sera bientôt créé afin que les agriculteurs désespérés puissent se confier à une oreille charitable. Enfin, ne ressentant même pas l’indécence de son impuissance, le ministre ajoute à ce « plan », à ce « numéro d’appel », des mots dont la sécheresse technocratique est une insulte aux 485 morts de 2007-2009 et à tous ceux qui ne sont pas encore décomptés : « il faut conduire une action déterminée pour permettre une reconquête des revenus dans les secteurs les plus fragiles ».
Les centrales d’achat, les grands groupes de la distribution ne comptent pas parmi leurs dirigeants beaucoup de suicides. On y vit bien car on y gagne beaucoup en vendant le travail des paysans. Si le ministre de l’agriculture souhaitait vraiment « une reconquête des revenus », c’est là qu’il devrait passer à l’offensive.
Il ne le fera pas. La république qu’il sert n’est pas celle des paysans, pas celle des ouvriers, ni celle des classes moyennes. Du reste, elle n’est plus celle des Français. Elle est la république de la mondialisation, de l’exploitation, de la destruction.
Et tout le reste n’est que mots et cellules psychologiques…
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